A. Gross: Landbote vs. NZZ

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Title
Landbote vs NZZ. Die Auseinandersetzung zwischen den beiden Zeitungen um die Direkte Demokratie und deren Ausgestaltung in der demokratischen Zürcher Revolution von 1867–1869


Author(s)
Gross, Andreas
Published
Saint-Ursanne 2022: Éditions Le Doubs
Extent
604 S.
by
Olivier Meuwly

Étrange ouvrage, à certains égards, que celui proposé par l’ancien conseiller national socialiste zurichois Andreas Gross, désormais domicilié dans le canton du Jura! Plutôt qu’une nouvelle analyse de la pacifique révolution zurichoise de 1869, il s’agit avant tout d’une compilation d’articles issus des deux journaux rivaux qui, par leurs passes d’armes, ont porté le combat sur la nature idéale de la démocratie dans le plus populeux des cantons suisses à la fin des 1860. Engagés dans un vif combat, les deux quotidiens représentent les deux visions du monde qui s’affrontent alors. D’une part, celle des libéraux-radicaux de la ville, derrière le puissant Alfred Escher et ferraillant sous la bannière de la NZZ. D’autre part, celle de l’aile gauche radicale des démocrates, ennemis jurés des partisans d’Escher et ralliés au Landbote de Winterthour, leur bouclier journalistique. Mais ce choix éditorial et la façon dont il est mis en scène font justement tout l’intérêt de l’ouvrage de Gross.

La genèse du mouvement démocrate, né dans le canton de Bâle-Campagne au début des années 1860, est assez bien connue depuis les travaux pionniers de Peter Gilg dans les années 1950. La révolution zurichoise a en outre fait l’objet d’une étude pointue de la part de Martin Schaffner, complétée par les travaux d’Albert Tanner, notamment centrés sur le Zurich de la seconde moitié du XIXe siècle. Sur le plan de l’histoire constitutionnelle, les innovations fondamentales apportées par la Constitution de 1869 ont été finement analysées par Alfred Kölz. Quant aux rapports souvent difficiles à cerner entre le radicalisme des années 1840 et sa dissidence démocrate, nous avons essayé d’amener quelques éclaircissements dans nos travaux traitant de la période s’étendant entre 1848 et 1914. Enfin, la personne d’Escher, bien entendu au centre des batailles politiques de l’époque bien que déjà en retrait «officiel» de la politique cantonale, a pu bénéficier des nombreux travaux de Joseph Jung et de son équipe. D’autres acteurs majeurs du temps, comme Karl Bürkli étudié par Hans Uli Schiedt, ont aussi eu droit à leurs biographies.

En aucun cas interprétation nouvelle des événements qui agitent la vie politique zurichoise entre 1867 et 1869, ni synthèse de ce qu’ont publié les journaux sélectionnés, en quoi se distingue l’ouvrage d’Andreas Gross? L’auteur se focalise sur la question de l’émergence de la démocratie directe, un sujet qui le passionne depuis longtemps, et propose d’examiner la manière dont les deux journaux, devenus les épicentres des batailles à venir, ont appréhendé le problème. Il est ainsi possible de comprendre, verbatim, comment ils ont perçu l’évolution des débats politiques, comment les démocrates, hostiles aux «escheriens», ont su attirer les foules lors des quatre Landsgemeinden organisées par le canton, comment les gens de la NZZ ont assisté, marris, à la montée en puissance de leurs adversaires, comment, enfin, les deux camps ont affûté leurs arguments.

L’ouvrage se révèle ainsi un très précieux recueil de sources. On sait que, pour le XIX e siècle, la presse constitue un outil extrêmement précieux et nécessaire pour l’historien. Sa richesse, par l’assignation quasi systématique des titres à l’un ou l’autre de différents groupes politiques en présence, offre une base de travail exceptionnelle, de laquelle il est possible de tirer un nombre presque infini de fils menant vers une masse d’informations qui, une fois mises en lien, dessinent une vision large des phénomènes étudiés. Le volumineux livre de Gross laboure ce vaste champ journalistique et invite lectrices et lecteurs à aller directement vers les nœuds centraux des narratifs politiques que démocrates et libéraux-radicaux ont mis en place. Et la question de la démocratie directe se loge au cœur de ce combat titanesque, qui voit chuter le radicalisme d’Escher et triompher les amis de Bleuler, Scheuchzer ou Locher, le pamphlétaire à la manœuvre du Landbote depuis son fief industriel de la seconde ville du canton.

Sur le plan fédéral, on a trop longtemps omis que la victoire du référendum législatif facultatif en 1874 – qui organise le contrôle populaire sur les nombreux domaines que la nouvelle Constitution avait confiés à la Confédération – était surtout le fruit d’un compromis. Jusqu’à la fin des débats fédéraux, les défenseurs d’une démocratie exclusivement représentative, Alfred Escher et Emil Welti en tête, se sont battus avec acharnement contre une démocratie directe qu’ils jugeaient inapte à gouverner un pays moderne. Ils ont fini par abdiquer, pour ne pas mettre en danger le texte constitutionnel qui, selon leurs vœux, centralisait davantage la Suisse. Les démocrates, eux, avaient placé la démocratie directe comme condition sine qua non d’une révision constitutionnelle certes vouée à une plus grande centralisation, mais comme gage d’un interventionnisme accru de la Confédération, notamment dans les affaires scolaires. Les radicaux romands, artisans, avec l’appui des catholiques-conservateurs, du rejet d’un premier projet trop centralisateur en 1872, n’étaient pas contre une extension des droits populaires, à la condition qu’elle n’altère pas le fédéralisme. Ils n’eurent pas gain de cause.

Les articles du Landbote et de la NZZ nous montrent que les débats sur les bienfaits de la démocratie directe ou de son antithèse représentative, comme pour d’autres sujets, ont d’abord été entamés au niveau cantonal, où Zurich a joué un rôle majeur. La Constitution zurichoise de 1869 sera en effet la plus progressiste de Suisse, sur le plan démocratique mais aussi sur le plan fiscal, par exemple. Une preuve de plus du caractère de «laboratoire institutionnel» conféré aux cantons dans le cadre de la Suisse dite moderne, née en 1848. Agrémenté d’extraits des œuvres de Schaffner, Tanner ou Kölz pour mieux contextualiser les échanges journalistiques reproduits dans ses pages, mais aussi des portraits dessinés de nombreux acteurs de la vie politique zurichoise de l’époque, l’ouvrage d’Andreas Gross, avec ses articles de presse mis en miroir des uns des autres, brosse un portrait intense d’une période cruciale pour l’histoire zurichoise, mais aussi helvétique.

Zitierweise:
Meuwly, Olivier: Rezension zu: Gross, Andreas: Landbote vs. NZZ. Die Auseinandersetzung um die Ausgestaltung der Volksrechte zwischen den beiden Zeitungen in der demokratischen Zürcher Revolution von 1867–1869, Saint-Ursanne 2022. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte 73(2), 2023, S. 223-224. Online: <https://doi.org/10.24894/2296-6013.00127>.

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